Les époux, obligatoirement passés devant Monsieur ou Madame le Maire, le savent : aux termes de l’article 212 du Code Civil, ils« se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
Oui, mais jusqu’à quand exactement ? Ces obligations perdurent-elles alors qu’une procédure de divorce a été engagée ? Qu’en est-il de l’obligation de fidélité plus particulièrement ?
Ces questions sont fréquemment posées dans les cabinets d’avocats, surtout lorsque les époux sont séparés depuis plusieurs mois voire plusieurs années, parce qu’ils ont mis du temps à initier la procédure de divorce ou que celle-ci est particulièrement longue.
Chacun a eu alors l’envie ou l’occasion de refaire sa vie, sans avoir l’impression de transgresser l’une des obligations essentielles qu’est le devoir de fidélité, le mariage ayant, dans l’esprit des époux, déjà pris fin dès lors qu’ils étaient officiellement séparés.
Ne pourrait-on pas imaginer que, conscients qu’en réalité on ne peut raisonnablement demander à un conjoint de mettre sa vie sentimentale en suspens pendant les 4 à 5 années voire plus que peuvent durer une procédure de divorce contentieux, les juges ferment les yeux sur « l’adultère juridique » qui ne peut être considéré comme un adultère moral ?
La jurisprudence est ferme sur ce point, et se maintient, depuis un premier arrêt rendu sur le sujet le 3 mai 1995 par la Cour de Cassation.
En réalité, l’obligation de fidélité, comme les autres, doit être respectée jusqu’au jugement de divorce qui prononcera la dissolution du mariage et bien plus, jusqu’à ce que cette décision de justice soit devenue définitive.
Autrement, l’époux, considéré comme adultérin, pourra se voir reprocher une faute, la procédure de divorce ne conférant aucune immunité.
En effet, si depuis 1975 l’adultère a été dépénalisé et n’est plus une cause péremptoire automatique, de divorce pour faute aux torts de l’époux infidèle, l’adultère demeure une faute cause de divorce.
Ce principe a encore été rappelé très récemment, dans un arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 février 2021 (n°19-24.543), dans une affaire dans laquelle les faits étaient les suivants :
Au début de l’année 2014, le juge aux affaires familiales avait rendu une ordonnance de non-conciliation aux termes de laquelle il prenait acte de la résidence séparée de Monsieur et Madame Y.
Madame Y assigna par la suite son époux en divorce, sollicitant le prononcé d’un divorce à ses torts exclusifs, disposant des pièces de nature à démontrer que celui-ci avait entretenu une relation adultérine avec une autre femme dès l’année 2013.
Naturellement, Monsieur Y protesta alors, indiquant que sa liaison n’avait démarré qu’en 2014, à savoir après le prononcé de l’ordonnance de non conciliation.
Dans un arrêt du 10 septembre 2019, la Cour d’Appel de Bordeaux jugea alors qu’il « importait peu que cette relation extraconjugale eût eu lieu postérieurement à l’ordonnance de non-conciliation, la procédure de divorce en cours ne dispensant pas les époux de l’obligation de fidélité. »
Néanmoins, Madame Y n’a pas réellement eu gain de cause. En effet, son époux avait également produit un constat d’adultère établi par huissier (après y avoir été autorisé par le juge) datant du 11 mars 2015, dont il ressortait incontestablement que Madame Y avait pour sa part également partagé son lit avec un autre homme.
Celle-ci répliqua que cette relation avait eu lieu plus d’un an après le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation. Argumentation à laquelle la Cour lui a répondu, comme à son mari, qu’il « importait peu que cette relation extraconjugale eût eu lieu postérieurement à l’ordonnance de non-conciliation, la procédure de divorce en cours ne dispensant pas les époux de l’obligation de fidélité. »
Le divorce fut donc prononcé aux torts partagés, Madame Y n’ayant alors pas pu bénéficier d’une prestation compensatoire aussi élevée qu’elle le demandait.
Insatisfaite, Madame Y s’est pourvu en cassation, soutenant que la Cour d’Appel aurait dû « rechercher si l’antériorité de l’adultère perpétré par le mari et les fautes commises par lui tout au long de la vie commune étaient de nature à ôter tout caractère fautif aux faits reprochés à la femme ».
Dans l’arrêt précité du 10 février 2021, la Cour de Cassation rejeta purement et simplement sa demande, sans motivation précise.
Notons que la jurisprudence, moderne, tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, a étendu la notion d’infidélité, de telle sorte que celle-ci n’est plus seulement physique ou sexuelle, mais peut également être intellectuelle. Peuvent donc être considérés comme des infidélités « intellectuelles » des échanges de SMS, de mails, ou encore des échanges par le biais de réseaux sociaux, de sites de rencontres.
Le rôle de l’avocat est donc de rappeler à son client l’ensemble de ces principes, afin qu’il connaisse l’état de droit et ne soit pas surpris si son ex-conjoint venait à se prévaloir de son infidélité au cours de la procédure de divorce pour invoquer une faute.
En pratique, il faudra toutefois nuancer ces propos et analyser la situation au cas par cas.
En tout état de cause, à tous stades de la procédure, si une nouvelle relation devait naitre, la discrétion serait de mise…Vous envisagez de divorcer ? Vous êtes en cours de procédure de divorce et avez des questions ? N’hésitez pas à contacter Maître Léa DOUKHAN, avocat en droit de la famille et droit commercial à Paris, afin d’obtenir les réponses à vos interrogations et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.